A l’occasion du centenaire de sa naissance, une biographie éponyme recueillant une sélection de poèmes, de paroles, et de photos de Malak Jân fut publiée aux éditions Diane de Selliers en 2007. « Malak Jân Ne’mati » a été traduit en persan (2009), en italien (2010), en allemand (2011) et en anglais (2012). Quelques paroles de sagesse et poèmes extraits de « Malak Jân Ne’mati » sont présentés ci-dessous:

 

La vie n’est pas courte mais le temps est compté. C’est comme pour la rose. Il faut occuper ce temps de telle sorte que tu en profites pleinement, avec plaisir.


Nous devons tirer des leçons de tout ce qui nous arrive.


Comprendre les vérités est ce qu’il y a de meilleur pour l’être humain. Cherchez à acquérir une vue qui voie la Vérité et une pensée qui comprenne la Vérité. Dès lors, vous ne serez plus dupe des apparences.


L’autosuggestion est une excellente chose. Mais elle n’est pas donnée à tout le monde. Il faut que l’être humain atteigne un niveau où ses propres paroles l’influencent lui-même.


Tôt ou tard, l’homme doit s’engager dans un cheminement spirituel et parcourir son perfectionnement. Par conséquent, il n’est pas juste de dire qu’on ne peut pas ou qu’on a peur de s’engager.


Lorsqu’un étudiant spirituel se met sous l’emprise de la jouissance matérielle, son âme ne se sent pas bien. Lorsqu’il se libère de cette emprise, elle se sent mieux.


Les épreuves divines sont faites pour que l’homme connaisse ses faiblesses.


Dans la vie, l’étudiant spirituel doit défendre ses droits avec sérieux et diligence, mais être détaché du résultat.


L’un des signes de la domination du soi impérieux en soi est le désintérêt pour le divin et le spirituel.


Celui qui parcourt la voie de la perfection doit s’exercer à n’être ni affecté par les mauvaises nouvelles ni ravi outre mesure par les bonnes. Lorsqu’il reçoit une bonne ou mauvaise nouvelle, il ne faut pas que son coeur tremble et qu’il soit submergé par l’émotion.


Pour chaque époque, Dieu envoie une guidance adaptée à cette époque. L’être humain doit penser en fonction de son temps. Et les personnalités spirituelles doivent se comporter en tenant compte du contexte dans lequel elles évoluent.


C’est dans la lutte qu’on progresse et non dans l’indolence. Si quelqu’un aime son but, il doit accepter de lutter. Sinon, pourquoi les prophètes et les saints auraient-ils supporté dans la joie tant d’adversité et de peines ?


Celui qui est spirituellement actif est toujours confronté au négatif. S’il n’est pas aimant et bienveillant envers les autres, le négatif le met en pièces. Il y a donc toujours le négatif et c’est au moyen de ce négatif que l’on se purifie.


Chaque voie spirituelle a ses propres armes. Notre arme à nous, c’est de faire le bien autour de nous et d’être utile aux autres. Même si on dit du mal de nous, c’est sans importance, nous n’avons que cette arme. Dieu nous a donné les moyens de faire le bien, nous devons donc faire le bien sans nous soucier de ce que pensent les gens.


Le matérialisme détruit l’amour, même pour ses propres enfants.


La différence entre la simple pensée de satisfaire un désir et la pulsion du soi impérieux est que, dans la pulsion, on ne pense pas aux conséquences, on ne veut que satisfaire son désir.


Tout ce que vous voulez acquérir, vous devez l’acquérir ici-bas. L’au-delà n’est qu’un lieu de récolte ou de « mendicité ».


Respecter les besoins légitimes de sa nature est un devoir spirituel. Ce qui est mauvais, c’est l’excès.


Je me dis toujours : « Ô mon Dieu, éduque-moi de telle sorte que je n’aie pas d’autre source de plaisir que Toi ! » Se répéter cela permet de ne pas être esclave des plaisirs de ce monde.


Je suis arrivée au point où je n’ai plus de « je » : je fais, je dis, je veux… Je m’en suis remise à Sa volonté. À ce stade, on travaille sans se soucier du résultat.

 


 

Les poèmes suivants, composés en kurde par Malak Jân, étaient restés jusqu’à présent à l’état de manuscrit. Malak Jân ne s’est jamais considérée comme une poète ; son inspiration émanait de son amour pour le Divin, et ces quelques vers révèlent sa connaissance profonde des différentes étapes et niveaux du perfectionnement spirituel. 

 

Ma Main à Sa Main Amarrée

Il est sans odeur, sans couleur
Mon Bien-Aimé
Sans odeur et sans couleur

Il n’a ni colère ni fureur
Mon Bien-Aimé
Ni lieu, ni temps, ni passé ni présent

Lui donner forme ou attribut
À mon Aimé
C’est manquer à la foi et l’ignorer

Ô mon cœur, cherche la détresse
En quête de l’Aimé
Ne laisse pas odeur et couleur te détourner

Lui seul peut m’aider
Le Bien-Aimé
Par Ostad révélé

Alors de moi satisfait,
Mon Bien-Aimé
Enfin pourra me libérer

Ostad est mon guide
Vers le Bien-Aimé
Sur le chemin, Lui mon refuge

À moi qui ai tant péché
Moi Jânie, ô mon Aimé
Moi sans vie parmi les morts

Moi qu’Ostad a ressuscitée
Ostad aimé
Ma main à sa main amarrée.

16 juillet 1941

 

Ivresse

Mon cœur, ô mon cœur, fais-toi rossignol
Ivre de l’amour, ivre de l’ivresse
Comme le rossignol

Oiseau de mon âme, chante sur la branche
Chante la rose rouge mélodieusement
Perché sur la branche

Que le cœur converge vers sa senteur
Que toute la nuit, jusqu’à l’aube claire
La loue et l’adore

Ce point de senteur, point d’unicité
Est source d’ivresse
Pour le rossignol à l’âme enfiévrée

L’ivresse d’amour, ivresse de l’âme
Est indispensable à ta progression,
Perfection de l’âme

Pour franchir cette voie semée de dangers
Ravi à toi-même dans l’ivresse pure
Il te faut marcher

Ne varie donc pas, toi qui es changeant
Un cœur en hiver et qui fait le mort
Revivant au printemps

Avril 1953

 

Toi

Où que je regarde, il n’y a que Toi
L’unique sans égal, le sauveur, c’est Toi

Le toit, la porte, la fenêtre, Toi
En dehors de Toi, rien, excepté Toi

En quelque forme que tu te révèles
Rien n’est hors de Toi et Toi tu es Toi

C’est Toi qui m’a pris la vue qui voit double
Toi qui m’a montré l’unicité, Toi

Le ciel et la terre, l’ici, l’au-delà
Ô Toi sans pareil, Toi, tout n’est que Toi

Celui qu’on désire, celui qui désire
Ne sont qu’un tous deux, ils ne sont que Toi

Et dans l’oraison, le but et l’orant
L’Être nécessaire, tous, ne sont que Toi

Louange à Ta gloire, gloire à Ta puissance
Tu es seul disciple et maître à la fois

De quel secret voile t’es-tu entouré
Pour qu’à ma conscience Tu restes caché
Toi ?

1 décembre 1953

 

Ce Que Tu Es

Tu es l’allumette
et la lampe

Le jardinier
et le jardin

Tu es rossignol
tu es chant

Bouton de rose
parfum flottant

La guerre et la paix
en même temps

À chaque heure
et chaque instant

Tu déploies
tes mille couleurs

Tu es le miroir
aux merveilles

Présent et absent
sans pareil

3 décembre 1953

 

Le Printemps Éternel

Jusqu’à quand rossignol, rester au jardin, dis ?
Sur une branche morte poser ton âme ainsi ?

La neige et les frimas ont fermé tout chemin
Tu vas mourir de froid, retourne dans ta patrie !

Ne vois-tu pas la neige posée dans le jardin ?
Quelle fleur espères-tu, que fais-tu là, assis ?

Cherche donc la patrie de l’éternel printemps
Des bourgeons et des fleurs à foison, ta patrie

Décembre 1955

 

Illustrations de Charles Zenderoudi