Malak Jân, surnommée affectueusement « Janie » par son grand-frère et guide Ostad Elahi, est née à Jeyhounâbâd, village du Kurdistan iranien où elle passa l’essentiel de sa vie.

Bien qu’elle vivait en apparence loin du monde, Malak Jân était une femme vive et moderne qui avait une conscience aiguë des problèmes et des défis de son époque. Elle consacra sa vie au parcours du perfectionnement spirituel, ainsi qu’à défendre le droits des femmes et des enfants dans un milieu défavorable, voire hostile, à une telle action.

Malak Jân est née dans une famille de notables issue d’une longue lignée de mystiques dont les origines remontent au XIVe siècle. Ses aïeux s’étaient installés il y a environ 200 ans à Jeyhounâbâd, près du Mont Bisotun où le grand roi Achéménide Darius I immortalisa ses exploits militaires il y a plus de 2500 ans. À l’aube du XXe siècle, Jeyhounâbâd, un village iranien typique constitué de maisons de terre, abritait une centaine de villageois vivant essentiellement de l’agriculture.

Vue aérienne de Jeyhounâbâd, village natal de Malak Jân

Le père de Malak Jân, Hadj Nematollah (1871-1920), était réputé pour sa vertu et son intégrité. Il exerça quelque temps la fonction de conseiller auprès du gouverneur de la région de Kermanshah, mais à la suite d’une bouleversante expérience spirituelle vers l’âge de trente ans, il décida (et sa femme le suivi dans ce choix) de se consacrer entièrement à la voie mystique et de mener une vie rythmée par l’ascèse, la contemplation, l’écriture, la guidance et la musique sacrée. 

Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont « Le Livre des Rois de Vérité », œuvre hagiographique entièrement écrite en vers et publiée sous la direction du philosophe français Henry Corbin. La force d’âme et la personnalité charismatique de Hadj Nematollah firent de lui une figure influente et respectée, et dont le rayonnement spirituel fut reconnu bien au-delà de sa région. 

C’est dans ce contexte particulier que Malak Jân, la cinquième d’une famille de sept enfants, vit le jour le 11 décembre 1906. Avant même sa naissance, son père avait prédit qu’une âme d’une grande force et pureté entrerait dans leur famille. Son fils aîné, Ostad Elahi (1895-1974), né onze ans plus tôt, montrait déjà des dispositions spirituelles remarquables. Contrairement aux usages locaux qui n’accordaient que peu de considération aux filles, Hadj Nematollah prit grand soin de l’éducation intellectuelle, morale et spirituelle de Malak Jân.

Malak Jân et sa mère

Malak Jân n’a que treize ans lorsque son père bienveillant quitte ce monde. Fidèle au vœu de celui-ci, elle prit la décision de ne pas se marier et choisit de porter un habit entièrement blanc, qu’elle garda sa vie durant, en guise de symbole de son union à Dieu.    

Vers l’âge de quatorze ans, Malak Jân commença à ressentir des douleurs aux yeux qui s’intensifièrent progressivement et lui firent définitivement perdre la vue alors qu’elle n’avait que vingt ans. Malgré cela, elle dira plus tard à ce sujet:

Dieu m’a pris la vue, mais Il m’a ouvert la porte du Royaume des Cieux et personne ne peut imaginer ce que j’y ai gagné.

Cette ouverture aux univers spirituels fut pour Malak Jân une initiation à un nouvel horizon dont elle acquerra une connaissance profonde et qui la mènera à trouver sa voie spirituelle:

Si je n’étais pas devenue aveugle, je n’aurai probablement pas été attirée par la spiritualité.  C’est ma cécité qui m’a permis de me détacher de ce monde et de découvrir des horizons que je ne soupçonnais pas d’exister… Si je n’avais pas choisi un vrai guide expérimenté… il n’y a rien dans nos traditions ancestrales qui m’aurait attiré… Une fois que j’ai choisi Ostad, j’avais confiance en ses paroles… Personnellement, je ne crois que ce qu’il dit…

Malak Jân était unie à Ostad par un lien spirituel particulier. Elle adopta l’approche spirituelle innovante et rationnelle de son frère, une voie qu’Ostad Elahi jugeait plus conforme à la nature de l’être humain car elle reposait sur la connaissance de soi et le discernement. De ce fait, Malak Jân voyageait pour être auprès de son frère aussi souvent que possible, même lorsqu’il était muté, de par sa fonction de magistrat, dans des villes très éloignées de Jeyhounâbâd.

Les univers spirituels étaient d’une telle richesse qu’après le départ de mon père, je fus désorientée. J’ai cherché incessamment une direction spirituelle qui me conduise à la Source et ce n’est que vers l’âge de trente ans que j’ai trouvé cet axe en la personne de mon frère Ostad Elahi. Tout ce que j’ai compris et transmis par la suite, ce sont ses enseignements et ses principes. Tout ce que je sais vient de lui. J’ai été très heureuse qu’il m’accepte comme élève.

Avec l’approbation d’Ostad, qui lui donna par la suite le titre honorifique de « sheykh », Malak Jân prit en charge l’éducation spirituelle des villageois de Jeyhounâbâd. Ses mots étaient imprégnés de l’effet divin, et dans un esprit de compassion et de générosité, elle acceptait toujours de répondre aux demandes de ceux qui venaient la voir, qu’ils veuillent obtenir un remède pour guérir un proche, une solution face à une difficulté, concevoir un enfant, ou simplement obtenir des éclaircissements d’ordre purement spirituel. 

Après le décès d’Ostad, Malak Jân reprit l’enseignement de son frère. Grâce à ce lien spirituel intérieur qui les unissait, Malak Jân put éclairer et approfondir les principes éthiques et divins hérités d’Ostad. Selon Malak Jân, « même après son départ, il a continué à m’instruire et il ne m’a jamais abandonnée. ». 

Pour des raisons de santé et à la demande de sa famille, Malak Jân quitta son village natal en 1993 pour se faire soigner en France. Elle quitta ce monde peu de temps après, le 15 juillet 1993, à l’âge de 86 ans.  Elle fut inhumée en France dans la commune de Baillou (Loir-et-Cher), où se dresse désormais un mausolée en sa mémoire. Sa pureté, sa vertu, ainsi que son dévouement aux autres l’élevèrent au rang de sainte aux yeux de ceux qui l’avaient côtoyée, et sa mémoire continue d’être honorée aujourd’hui.

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Mémorial de Malak Jân à Baillou

Malak Jân a laissé une quarantaine de manuscrits en langues kurde et persane où elle relate ses expériences spirituelles et ses dialogues intimes avec le Divin. Parmi eux figurent ses conseils et ses recommandations aux femmes, ainsi que quelques recueils de poèmes mystiques. 

« La vie n’est pas courte, mais le temps est compté, » disait Malak Jân, pour accomplir tout ce qu’il faut accomplir durant le temps qu’il est donné à chacun de vivre sur cette terre. Cette conscience aiguë non pas du temps qui passe, mais la valeur de chaque instant pour progresser, fit d’elle une femme d’action autant que de contemplation, un soutien et un guide pour tous ceux qui venaient à elle pour bénéficier de sa bienveillance et de sa sagesse.